Partout dans le monde, l’inquiétude grandit face aux multiples conséquences d’une sécheresse sans précédent. Selon les experts en climatologie, la part d’eau pour chaque citoyen est en constante recrudescence. Les répercussions des changements climatiques sont ressenties essentiellement dans le domaine agricole.
Le monde a eu chaud durant ces dernières années. Les températures ont battu tous les records. Les populations, notamment les agriculteurs, ont souffert. Ces records de température risquent de devenir la norme et non l’exception. Les scientifiques ne cessent d’alerter sur le réchauffement climatique et appellent à mettre en place des mesures d’urgence. L’enjeu du climat redevient une priorité. Plusieurs pays ont d’ores et déjà pris certaines mesures pour lutter contre le dérèglement climatique, mais qu’en est-il de la Tunisie ? Quelles sont les conséquences potentielles du changement climatique sur l’agriculture tunisienne et quelles stratégies d’adaptation sont envisageables pour avoir un bon développement de l’agriculture afin de réduire la dépendance alimentaire?
Les enjeux sont considérables aussi bien pour la population que pour l’activité agricole. En effet, la récurrence des sécheresses liée à la péjoration climatique handicape les pratiques agro-pastorales et accroît les incertitudes et la vulnérabilité des populations.
Si les changements climatiques et leurs conséquences ont fait l’objet de nombreuses études bien documentées dans plusieurs pays, en revanche, les recherches sur les savoir-faire des agro-pasteurs et l’adaptation au changement climatique restent moindres.
Fluctuations des régimes pluviométriques
Depuis des années, l’accroissement des températures et la fluctuation des régimes pluviométriques ont eu des conséquences directes sur l’agriculture tunisienne par l’approfondissement des déficits hydriques.
Selon les indicateurs publiés par l’Observatoire national de l’agriculture (Onagri), et jusqu’au mois de septembre 2022, les apports cumulés aux barrages ont atteint 25,3 Mm3. Ils ont été nettement inférieurs à la moyenne de la période (61,7 Mm3) et dépassent les apports enregistrés à la même période de l’année précédente (9,3 Mm3). Ces apports sont répartis pour une part de 72,3% au Nord, 26,1 % au Centre et 1,6% au Cap Bon. Par conséquent, les réserves en eau dans tous les barrages ont atteint 761,8 Mm3 contre 705,3 Mm3 enregistrés à la même date de 2021 et une moyenne enregistrée au cours des trois dernières années de 1.050,6 Mm3, soit un déficit de 288,8 Mm3. Les volumes stockés sont ainsi répartis : 90,2% dans les barrages du Nord; 8,8% dans les barrages du Centre et 1% dans les barrages du Cap Bon. Pour l’ensemble des barrages le taux de remplissage a atteint 32,8%. Durant la période 01/09/22-22/09/22, la pluviométrie enregistrée a été plus élevée dans les régions du Nord et du Centre. Elle a légèrement dépassé les niveaux enregistrés durant la moyenne de la période dans la région du Nord-Ouest. Par rapport à la même période de la campagne écoulée, la situation pluviométrique a été caractérisée par un niveau excédentaire dans les régions du Nord et du Centre-Est.
Les conditions naturelles, défavorables aujourd’hui, s’ajoutent à des structures agraires trop morcelées et à une faible mobilisation des ressources en eau pour donner une agriculture bien loin de satisfaire les besoins de la population rurale. La pluviométrie faible et irrégulière observée dans le pays n’est pas compensée par une mobilisation suffisante des ressources en eau. Les prospectives fondées sur le changement climatique font ainsi estimer des risques importants sur le système agricole tunisien. Les perturbations climatiques se manifestent ainsi par une augmentation de la température, une concentration des pluies en épisode sur une période qui ne dépasse pas un nombre de jours bien limité, et peuvent devenir la norme climatique en Tunisie à long terme.
Renforcer les capacités nationales de production
La Tunisie, qui est confrontée aux aléas climatiques et par conséquent aux aléas des marchés mondiaux de matières premières alimentaires, craint une accentuation de sa dépendance de l’importation. Dès lors, se pose la question des moyens à mobiliser pour améliorer durablement la sécurité alimentaire et en particulier des moyens de protéger et renforcer les capacités nationales de production et les possibilités de réduire la dépendance aux marchés mondiaux pour l’approvisionnement en aliments de base. Le rapport sur « les impacts des effets du changement climatique sur la sécurité alimentaire » publié en 2021 par l’Agence française de développement (AFD), dans le cadre de la Facilité Adapt’Action, s’attache à caractériser les impacts du changement climatique principalement par rapport aux conséquences sur la production nationale pour cinq composantes phares de l’alimentation en Tunisie que sont l’eau, les principales céréales (blé dur, blé tendre et orge), l’oléiculture, les fourrages et donc les productions animales et les produits de la pêche. Les projections climatiques indiquent un bilan hydrique moins favorable sur l’ensemble du territoire national, entraînant une diminution de l’apport en eau disponible pour les productions. La même source indique qu’une hausse des températures hivernales est aussi attendue, affectant les stades de développement des cultures et les rendements.
Nouveau modèle de gestion des ressources en eau
En Tunisie, les ressources naturelles sont menacées. Le tiers des ressources en eau souterraine provient de nappes très faiblement renouvelables et sont, de ce fait, épuisables. « Les ressources en eau renouvelable représentent une fraction des eaux pluviales et tout changement quantitatif ou qualitatif des précipitations, des températures et de l’évaporation aura un impact direct sur le potentiel en eau de surface et souterraine ».
Le rapport montre aussi que sous l’effet du changement climatique, les caractéristiques hydrologiques vont très probablement changer dans le futur, ce qui va nécessiter un nouveau modèle de gestion des ressources en eau afin de réduire la vulnérabilité des différentes activités dépendantes. De même, toutes les prévisions montrent que l’impact du changement climatique sur le rendement céréalier est négatif pour les trois principales céréales cultivées en Tunisie. Tous les piliers de la sécurité alimentaire de la Tunisie sont susceptibles d’être ébranlés par les impacts du changement climatique.
Le Centre et le Sud de la Tunisie, déjà situés en zone saharienne et aride, présentent des risques accrus pour l’olivier, les céréales et les parcours avec divers degrés d’exposition : forte pour l’oléiculture en région Centre-Est et Ouest, plus faible pour les céréales dont les surfaces sont réduites dans ces régions. Le Nord de la Tunisie présente des risques accrus pour les céréales du fait de sa forte exposition. Concernant la pêche, bien que l’augmentation des températures de surface de la mer provoque des effets négatifs sur les espèces endémiques, elle favorise l’invasion accélérée d’espèces exotiques, avec des conséquences positives sur la productivité du milieu marin, si toutefois les phénomènes de pollution, de pêche illégale et de surexploitation ne s’aggravent pas dans les prochaines décennies.